Les légendes automobiles font rêver depuis des décennies : Shelby Cobra, Ford GT40, Porsche 550 Spyder… Autant de noms qui résonnent comme des mythes.
Mais derrière ces carrosseries rutilantes se cache aujourd’hui une réalité beaucoup moins glamour : celle d’un marché gangrené par la fraude administrative.
En France, une majorité des répliques de ces voitures de légende circuleraient avec des papiers douteux, voire totalement falsifiés. Une situation explosive qui ruine parfois la vie de collectionneurs de bonne foi.
Quand le rêve tourne au cauchemar
Dans le petit monde de la voiture de collection, la Cobra est un Graal. Produite à seulement 1 002 exemplaires entre 1963 et 1967, sa valeur atteint aujourd’hui entre 900 000 € et 5 millions d’euros selon son pedigree.
This 1996 Shelby Cobra Replica is listed for sale in Guilford, Connecticut.
Listing ID CC-1892344https://t.co/VX7a76W9vv pic.twitter.com/FBCTPyiBD1
— ClassicCars.com (@ClassicCars_com) October 27, 2024
Difficile donc de résister aux répliques modernes, vendues entre 70 000 et 120 000 €. Mais cet engouement a ouvert la porte à toutes les dérives.
Derrière l’apparente légitimité de nombreuses annonces en ligne, se cachent des véhicules aux cartes grises usurpées ou falsifiées.
Des faux certificats de conformité, des dates inventées, ou encore des identités de marques créées de toutes pièces… Le marché parallèle s’est imposé en silence.
Une réglementation française quasi infranchissable
En théorie, tout véhicule doit disposer d’un certificat de conformité pour être immatriculé. En pratique, les répliques de modèles anciens n’en possèdent pas.
La seule alternative (la carte grise de collection) n’est accordée qu’aux véhicules âgés de plus de 30 ans, dans leur état d’origine. Résultat : la majorité des répliques modernes sont inéligibles.
Même la procédure d’homologation individuelle, la fameuse Réception à titre isolé (RTI), se révèle un parcours du combattant. Les normes de bruit, de sécurité et de pollution actuelles sont tout simplement impossibles à respecter pour des modèles inspirés des années 60.
Autrement dit : une Cobra fabriquée en 2010 doit répondre aux mêmes exigences qu’une Renault Clio de 2010. Une absurdité technique qui rend la conformité quasi impossible.
Un fléau bien réel, jusque dans les salons
Avant 2017, la fraude passait souvent par des complicités en préfecture. Depuis la numérisation des démarches, les faussaires misent sur des COC contrefaits (certificats de conformité).
Le phénomène s’est étendu à toutes les icônes du genre : Porsche 550, Jaguar Type D, Ferrari Daytona… même les salons spécialisés exposent parfois des véhicules “en papier”.
Les conséquences, elles, sont dramatiques : un véhicule frauduleux est invendable, non assuré et illégal sur la route.
Certains propriétaires découvrent trop tard qu’ils détiennent un objet sans valeur marchande, parfois après avoir déboursé plusieurs centaines de milliers d’euros.
Benjamin Déchelette, le “justicier” des répliques
Face à ce chaos administratif, un homme tente de remettre de l’ordre. Benjamin Déchelette, fondateur de Bourgogne Auto Classic, a fait de la conformité des répliques son combat.
Spécialiste reconnu, il a réussi à homologuer près d’une centaine de Cobra en France, un record dans un secteur où la plupart échouent.
Avec son associé, ancien pilote de chasse, il a bâti une expertise rare, capable de déceler la moindre incohérence dans une annonce.
Leur approche : protéger les passionnés avant qu’ils ne deviennent victimes.
Un enjeu patrimonial majeur
Au-delà des fraudes, c’est tout un pan du patrimoine automobile qui se joue. Les répliques, quand elles sont homologuées dans les règles, permettent de faire vivre l’histoire mécanique sans dénaturer les originaux. Mais sans encadrement, la frontière entre hommage et contrefaçon devient floue.
L’enjeu n’est donc pas seulement économique : c’est aussi celui de la transmission d’un héritage culturel et industriel.
La passion automobile, surtout quand elle touche aux icônes des années 60, mêle émotion, nostalgie et prestige. Mais dans ce marché où les rêves valent des millions, la fraude a trouvé son carburant.
Tant que la réglementation française ne s’adaptera pas à la réalité des répliques, le risque restera le même : celui d’un marché parallèle où la passion tourne trop souvent à la désillusion.












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