Il se passe quelque chose d’inhabituel dans les laboratoires souterrains du CERN : l’antimatière, cette forme de matière composée de particules aux charges opposées à celles de la matière ordinaire, n’a jamais été aussi accessible.
Chaque particule d’antimatière est le miroir d’une particule de matière : par exemple, un positon est l’équivalent positif de l’électron.
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Une équipe de physiciens vient en effet de franchir un cap scientifique majeur en accélérant la production d’antihydrogène, l’atome d’antimatière le plus simple qui existe.
Une avancée majeure pour décoder l’antimatière
Jusqu’ici, fabriquer des atomes d’antihydrogène relevait d’une longue course d’endurance.
“Researchers at the ALPHA experiment at CERN’s Antimatter Factory report a new technique that allows them to produce over 15 000 antihydrogen atoms – the simplest form of atomic antimatter – in a matter of hours.”https://t.co/qmAqHBI4Ag
— Human Progress (@HumanProgress) November 27, 2025
Mais une nouvelle technique mise au point par l’expérience ALPHA change la donne : grâce à un refroidissement inédit, les chercheurs peuvent désormais produire plus de 15 000 atomes en seulement quelques heures.
Pour les scientifiques, cette accélération est une véritable libération.
Comment fabrique-t-on de l’antihydrogène ?
La recette est aussi spectaculaire que délicate :
- produire séparément des antiprotons et des positons ;
- les piéger dans des champs électromagnétiques ultra-stables ;
- refroidir ces particules jusqu’à frôler le zéro absolu ;
- puis les laisser fusionner pour former un atome complet d’antihydrogène.
Ce processus, affiné au fil des années, reposait jusqu’ici sur le refroidissement naturel d’un nuage de positons enfermés dans un piège de Penning.
Mais cette étape restait trop lente et trop peu efficace pour obtenir des quantités suffisantes.
Le “refroidissement sympathique”, l’idée qui a tout changé
La véritable innovation vient d’une stratégie empruntée… à la physique des ions. Les chercheurs ont ajouté un nuage d’ions béryllium refroidis par laser afin d’aspirer l’énergie des positons.
Résultat : la température chute jusqu’à environ –266 °C, rendant les particules beaucoup plus enclines à s’assembler en antihydrogène.
Grâce à cette approche, l’équipe accumule désormais en quelques heures ce qui prenait auparavant plusieurs semaines.
Lors d’une campagne antérieure, il avait fallu près de 10 semaines pour réunir 16 000 atomes : un contraste spectaculaire.
Une pluie d’atomes pour des expériences inédites
Entre 2023 et 2024, les chercheurs ont produit plus de deux millions d’atomes d’antihydrogène.
Un record historique qui ouvre la voie à de nouvelles mesures, notamment dans le cadre du programme ALPHA-g, dédié à l’étude de la gravité appliquée à l’antimatière.
« Pouvoir accumuler assez d’antihydrogène pendant la nuit et réaliser une mesure dès le lendemain, c’est révolutionnaire », résume un membre de l’équipe.
Ce que cela change pour la science
Au-delà du progrès technique, cette avancée prépare peut-être l’une des grandes réponses de la physique moderne : pourquoi l’Univers est-il dominé par la matière, alors que théorie et collisions d’énergie prédiraient un équilibre parfait entre matière et antimatière ?
En rendant l’antimatière plus accessible, les chercheurs ne se contentent pas d’améliorer leurs instruments : ils s’approchent un peu plus de l’un des plus grands mystères de l’Univers.
Et c’est probablement ce qui rend cette prouesse encore plus fascinante.






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